Tourisme en Chine, touristes chinois

"Mystère du Temps, mystère de l'Espace, mystère du Voyage. Est-il réellement possible de voyager dans le Temps et dans l'Espace, à travers Soi-même et à travers l'Autre ? Certes, il nous est loisible de tracer une carte, d'établir une chronologie, voire de suivre le tracé laissé par un autre voyageur. Mais je parle du vrai Temps vécu, je parle du vrai Espace vivant. Et, dans le cas d'un poète, il n'est de vrai dépaysement que celui incarné par les signes. Est-il réellement possible de voyager à travers les signes ? D'un signe à l'autre, d'un signe idéographique à un signe alphabétique, quelle distance doit-on franchir pour en appréhender la commune essence ?"

François Cheng, L'un Vers l'Autre : En Voyage Avec Victor Segalen, Editions Albin Michel p. 16

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En accompagnant ce voyage scolaire en avril, c'était un vrai voyage vécu dans l'Espace vivant, dans le Temps vécu, voyage entre les signes idéographiques et alphabétiques, puisque les élèves avaient cours de chinois ou de culture chinoise le matin et visites culturelles l'après-midi et le weekend. Mais ayant déjà suffisamment de photos des lieux visités, je me suis intéressée non pas aux lieux, oeuvres et bâtiments historiques, mais plutôt à ceux qui les prenaient en photos, en particulier les touristes chinois. Le cliché (précisément !) que les occidentaux ont des chinois-japonais (certains ne distinguent pas vraiment...!?!?!?) est celui de l'appareil photo suspendu au cou, et d'une visite ou d'un aperçu du lieu visité à travers l'oeil de la caméra et le champ de l'appareil photo. Pas totalement faux, pas 100% exact non plus. Mais certains clichés ont la vie dure, et en voici justement quelques uns (de clichés) !

En petite voiture simili-traditionnelle, en touktouk, ou en bateau vers le Palais d'été, le choix de transports touristiques est large à Pékin, encore faut-il savoir dire non quand on se fait harceler, et négocier quand on a fait son choix !

Ces manches à portables permettant de se faire des selfies sont maintenant vendus comme des tour eiffels chez nous ou des cartes postales de panda en Chine : on en trouve partout, et on pourrait en dire beaucoup... sur ce que ça révèle : un individualisme croissant, qui coupe de la relation autrui au point de ne même plus pouvoir demander à l'Autre de nous prendre en photo. On est bien loin de la perception du voyage de François Cheng ou de Victor Segalen, car le voyage dans le Temps vécu et l'Espace vivant comprend aussi la rencontre. Quel est l'intérêt de se montrer en gros plan avec la photo de Mao en arrière plan ? Dire "j'y étais" ? Mais quel intérêt à aller en Chine si on ne part pas à la rencontre des chinois, de ce peuple si accueillant et si généreux - à condition de partir sans à priori et sans cliché (^^).

Et... l'apogée du voyage pour les chinois (mais pas que...) : les repas ! Je suis toujours assez impressionnée de voir fleurir sur weixin (weChat) des photos de repas, de plats, d'assiettes, toutes plus appétissantes les unes que les autres certes, mais c'est un concept parfois éloigné de notre culture (et pourtant la culture commence avec la nourriture, puisque la "culture" vient de la culture de la terre, donc la culture des aliments, donc la nourriture, comme le rappelait un éminent professeur de la Sorbonne et de l'Inalco, Monsieur Wei).

Donc visiter les lieux les pays les villes passe aussi par les plats traditionnels : banquet de raviolis à Xi'An (raviolis au canard en forme de canard, soupe de raviolis), Qian Bing en fin de soirée (en nostalgie et souvenir de mon année pékinoise), et pour la première fois j'ai (enfin !) goûté ces pattes de poulet (avec les ongles et tout).

Et puis ci-dessous, attrape-touriste lucratif à Wang Fu Jing : les brochettes de scorpions et autres bébêtes vivantes et grouillantes - les élèves en ont mangé, et elles vont bien ;-)